Odorologie : des criminels trahis par leurs odeurs corporelles

Publié le par manipulationsolfactives

Athos1[1]Par Catherine Bouvet
Le 25 avril dernier s'est clôturé le procés du commando étarra soupçonné d'avoir assassiné en 2007 deux jeunes gardes civils espagnols à Capbreton (Landes). Ils étaient jugés devant les assises spéciales de Paris. L'enquête a utilisé une technique spéciale dite "d'odorologie" pour démontrer la présence de trois suspects près du parking où ont été tués les deux gardes civils ...
     Le verdict   

Le tireur dans l'assassinat de deux jeunes gardes civils espagnols à Capbreton (Landes) en 2007, Mikel Kabikoitz Carrera Sarobe, a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Une femme, membre du commando, Saioa Sanchez Iturregui, a été condamnée à 28 ans de réclusion criminelle, alors qu'un troisième etarra, Asier Bengoa Lopez de Armentia, présenté par l'accusation comme faisant partie de l'équipe, a été acquitté de ces charges mais néanmoins condamné pour d'autres faits à 15 ans de réclusion.

 

Un peu avant ce verdict, la défense avait souligné l'absence de preuve permettant d'établir sa présence à Capbreton ainsi qu'à Haut-Mauco (Landes), où trois etarras avaient enlevé une femme dans son véhicule moins de deux heures après le double assassinat.

 
Des analyses odorologiques

 

Après onze heures de délibérations, le jury a notamment écarté les analyses d'odorologie (technique de la police scientifique )qui seules pointaient la présence de M. Bengoa dans la cafétéria attenante au parking où a eu lieu le double assassinat. Les magistrats semblaient méconnaître cette technique de la police scientifique qui fait pourtant partie depuis 1999 de l'arsenal d'expertises à la disposition de la Police Française.

 

L'avocat de la défense, et il est dans son rôle, a estimé que cette technique était, selon lui, "empirique" (faux : le protocole de l'odorologie est validé par Interpol et bientôt par le CNRS) et que jamais à ce jour une cour française n'a condamné sur la seule base de l'odorologie... En tout cas, le bénéfice du doute sur l'efficacité ou non de l'odorologie a pu profiter au "troisième homme" qui continuait de nier sa présence sur les lieux.

 

Ce qui est vrai, c'est que l'odorologie seule ne suffit pas. Mais si les prélèvements sont effectués dans les 96 heures, et que l'enquête abouti vers des suspects, elle peut confirmer ou infirmer leur présence sur le lieu des prélèvements. Et dans le cas des étarras, les 4 chiens auraient reconnu (selon le compte rendu du procès) les odeurs corporelles des trois suspects...

 
L'odorologie qu'est ce que c'est ?

 

C'est une technique importée de Hongrie et est opérationnelle en France depuis 2000 au sein de la sous-direction de la police technique et scientifique d'Ecully (Rhône). La technique consiste à prélever, à l'aide de tissus (importés de Hongrie) des odeurs corporelles laissées sur tout support (fauteuil, téléphone portable, arme...) sur une scène de crime.
Dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat des gardes civils, il s'agissait, en l'occurrence, des chaises de la cafétéria attenante au parking où a été commis le double assassinat. On y a prélevé des odeurs sur des bandes de tissus qui ont été placées en bocaux stérilisés en attendant que l'enquête s'oriente vers une suspect.

 

Elle peut confirmer ou infirmer une enquête
 
L'auteur présumé des faits doit alors froisser avec ses mains des tissus vierges durant dix minutes, ce qui permet de constituer un échantillon à comparer. Lors d'un examen au protocole strict, deux chiens doivent, chacun à leur tour, sentir l'odeur du tissu prélevé sur le lieu de l'infraction. Cinq bocaux, dont un contenant le tissu touché par le suspect, sont ensuite placés en ligne devant chaque chien. S'il reconnaît l'odeur, il se couche à côté du bocal concerné.
L'opération est renouvelée deux fois pour chaque chien. Si les deux chiens retiennent deux fois chacun la même odeur, l'identification est considérée comme concluante.
 
Dans le cas de l'assassinat des deux gardes civils espagnols à Capbreton en décembre 2007, les odeurs de Mikel Kabikoitz Carrera Sarobe, Saioa Sanchez Iturregui et Asier Bengoa Lopez de Armentia ont été reconnues par Dunak, Rexy, Yolan et Cartmen,les chiens du centre utilisés pour le test. Un témoin a pu identifier Mme Sanchez Iturregui sur les lieux, mais personne n'a pu reconnaître les deux autres suspects et aucune empreinte digitale ou trace ADN n'a pu être exploitée pour confondre les auteurs. De ce fait, l'identification odorologique occupait un rôle central dans les résultats de l'enquête.
Une défiance face à cette nouvelle technique
Selon certains, la question de la fiabilité de ce procédé reste posée. Pour Me Jean-François Blanco, avocat de M. Bengoa Lopez de Armentia, elle ne saurait "en aucun cas" constituer une preuve judiciaire, a-t-il fait valoir à l'AFP.
Pourtant, nous avons tous une odeur corporelle qui nous est propre aussi singulière que peut l'être nos empreintes génétiques. Nous y portons nos caractéristiques génétiques reconnaissables par le flair des chiens. C'est pourquoi Olivier Bregeras, responsable des identifications d'odeur humaine au sein de la sous-direction de la police technique et scientifique a assuré lors de l'audience : "Il n'y a pas d'erreur possible". Car, pour lui : "l'odeur est présente ou elle ne l'est pas".

L'équipe de cinq personnes qui travaille sous ses ordres compte un ingénieur, qui a agrégé toutes les publications répertoriées sur le sujet. Toutes montrent que l'odeur humaine a "une empreinte propre et individuelle", qui ne peut être confondue avec aucune autre, selon lui.

Pour en savoir plus sur le travail des équipes d'odorologie, regardez le reportage de France 2 ...ou lisez le chapitre consacré à l'odorologie dans le livre : Manipulations Olfactives, enquête sur ces odeurs qui séduisent, guérissent et trahissent..." chez Payot.

     

Une validation scientifique
 
L'unité de M. Bregeras est engagée dans un travail avec un laboratoire de neuro-science du CNRS de Lyon, qui doit donner lieu à une publication d'ici la fin du premier semestre 2013, a indiqué M. Bregeras, ce qui apporterait une validation scientifique au projet. Mais, pour l'heure, c'est une technique qui est déjà utilisée par la police scientifique (entre 20 et 30 affaires par an) et dont les résultats sont régulièrement présentés devant les jurys d'assises provocant parfois des aveux de dernières minutes...
 

Publié dans Police et Justice

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article